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Exposition

Devenir shiringa · Enrique Pezo Gomez
Vernissage samedi 02 mai 2025
ateliers vian · Dos Mares
5 rue Vian · 13006 Marseille

À l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain (PAC) à Marseille, Dos Mares accueille l’exposition Devenir shiringa d’Enrique Pezo Gomez, ancien résident en 2024.

En devenant shiringa, la mémoire se transforme en un système de pensée actif, offrant des récits visuels alternatifs capables d’interroger notre compréhension des structures d’extraction. Elle révise les logiques de pouvoir qui continuent à façonner les histoires officielles, ouvrant de nouvelles voies de compréhension du passé et du présent.

Le shiringa, ou caoutchouc, apparaît dans cet espace comme un matériau historique, économique et corporel. Il est présenté comme une seconde peau, une couverture symbolique qui nous invite à réfléchir sur des territoires où le récit du « progrès » occidental est en crise.

Une série de vidéo-performances intervient dans les récits historiques de la fièvre du caoutchouc en Amazonie, en prenant comme axe central l’acte de se couvrir de caoutchouc ou de produire des images à partir d’un pneu. Ces actions présentent des images en mouvement non conventionnelles et transforment le pneu en un instrument intermédiaire pour souligner les contradictions du pouvoir colonial et les récits qui continuent à conditionner nos subjectivités en tant qu’êtres individuels.

Bio

Enrique Pezo Gómez (Iquitos, Pérou, 1994) est un artiste visuel et chercheur qui développe sa pratique entre Madrid, Marseille et Iquitos. À travers la resignification des codes visuels, il revisite de manière critique les récits officiels sur l’Amérique latine et l’Amazonie, articulant de nouvelles possibilités de représentation à travers la photographie, la théorie spéculative et la performativité de l’image.

Il est diplômé du Centro de la Imagen (Lima), il a suivi des études de troisième cycle en photographie contemporaine (EFTI, Madrid) et en critique cinématographique (ECAM, Madrid), grâce aux bourses « Roberto Villagraz » et DAFO.

Il a reçu des distinctions telles que le Prix BoomArt (Madrid), le Prix du Festival Lumínic (Barcelone) et le Prix Photo IILA (Rome). Son œuvre a été exposée au Pérou, au Chili, au Mexique, en Colombie, en Espagne, en Italie, en France et au Royaume-Uni, et il a réalisé des résidences artistiques à Rome, Lima, Madrid et Marseille.

Démarche

Enrique Pezo Gómez dissèque et confronte les récits officiels qui ont invisibilisé la violence fondatrice du capitalisme en Amazonie et en Amérique latine, remettant en cause la promesse de développement qui les sous-tend. Ce que l’on appelle le « croisement » ou la « rencontre » des cultures n’est rien d’autre qu’une façon de légitimer le choc épistémique, ontologique et économique qui anéantit et réorganise le monde selon de nouvelles hiérarchies d’extraction.
La découverte de la vulcanisation et le développement de la chambre à air ont transformé le caoutchouc amazonien en une ressource stratégique pour le capitalisme industriel, donnant naissance à la fameuse « fièvre du caoutchouc », fondée sur un processus d’accumulation par dépossession (David Harvey, Le Nouvel Impérialisme, 2003). L’expansion du marché mondial s’est alors appuyée sur l’expropriation violente des peuples autochtones, la destruction des écosystèmes et l’instauration de régimes esclavagistes. La création de la Peruvian Amazon Company à Iquitos symbolise un colonialisme moderne qui a articulé violence économique et culturelle sous la rhétorique du progrès civilisationnel.
Dans les vidéo-performances de Pezo, réalisés au Musée des Amériques à Madrid et à Iquitos, le pneu émerge comme technologie et dispositif de pouvoir : il étrangle, marque le territoire et transforme le corps en zone d’exploitation. La shiringa (le caoutchouc) apparaît comme une seconde peau, un revêtement symbolique qui, loin de protéger, expose la vulnérabilité et la mémoire de la violence historique. Dans devenir shiringa, le corps se transforme en archive vivante des mémoires réduites au silence ; le caoutchouc devient cicatrice et bouclier, exotisation et résistance.
Ce mouvement cyclique — cet aller-retour qui traverse à la fois la performance et la figure même de l’artiste qui disparaît et réapparaît — nous confronte aux contradictions contemporaines : nous restons les bénéficiaires et complices des systèmes d’exploitation nés à l’époque du caoutchouc et toujours actifs sous de nouvelles formes.
Devenir shiringa est un geste de décolonisation qui invite à repenser les relations de pouvoir toujours exercées sur les corps et les territoires. En matérialisant le choc, Enrique Pezo Gómez nous oblige à reconnaître que cette peau noire qui recouvre nos villes et nos mouvements porte en elle la violence autant que la résistance des peuples qui luttent encore pour raconter leur propre histoire.
Son œuvre montre que la blessure du caoutchouc n’appartient pas au passé : elle reste ouverte aujourd’hui. Ce n’est qu’en la confrontant que nous pourrons imaginer un avenir qui ne répète pas la même histoire.

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